Le chantier Edel : il était une fois
« Tous ces bateaux me survivront ! » lance Maurice Edel avec philosophie, embrassant du regard les voiliers mouillés – presque tous des Edel – sur le lac du Grand Large, à deux pas de Lyon. A 80 ans, le constructeur est demeuré fidèle au lieu de création de son chantier.
Au fond d’un jardin blanchi par les premières chutes de neige le plan d’eau où presque tous les Edels ont tiré leurs premiers bords. « Nous sommes originaires de Pau et étions six enfants, cinq garçons et une fille, raconte Maurice Edel. Mon frère Pierre et moi étions jumeaux et avons presque toujours tout fait ensemble. Avant guerre, dans une école technique, nous avons appris le dessin industriel, le travail du bois et du métal. Ensuite, nous avons passé un an aux établissement Messier, à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques) pour y dessiner des trains d’atterrissage.
A dix-huit ans, ce genre de tâche n’était pas très enthousiasmant et, quand l’occupation est arrivée, la seule possibilité pour quitter ce travail était de s’engager dans les mouvements de jeunesse. Nous avons choisi Jeunesse et Montagne et nous nous sommes retrouvés dans les Alpes où mon frère et moi avons été ramassés par le STO (service du travail obligatoire) et contraints de travailler aux ateliers d’étude… et devant mes propres plans pour dessiner des roues d’avion ! »
Dix-huit mois de privations et d’enfermement dans les dortoirs glacés figurent parmi les pires souvenirs de Maurice Edel qui, suite à une dénonciation, est arrêté par la Milice, enfermé avec son frère à la prison de Montluc et n’échappe à la déportation que grâce à l’intervention de son directeur d’usine.
« Dans nos ateliers, on évoquait sans cesse ce que nous ferions après guerre et l’un de nous dit un jour : « Moi, je ferai des bateaux ». Cette idée nous a trotté dans la tête. Ma famille passait depuis toujours ses vacances à Arcachon où nous admirions les monotypes d’avant guerre, les Pacific, les Loup, qui naviguaient sur le bassin. Quelques bord tirés sur un de ces voiliers nous avaient donné nos premières sensations… »
Après guerre
La Libération venue, Maurice Edel se retrouve muletier FFI affecté à la surveillance de la frontière Espagnole et, toujours avec son frère Pierre, se pose des questions d’avenir. Que faire ? Fabriquer des bateaux ? Filer au Canada ou en Australie, comme certains de leurs anciens camarades d’infortune. Atteint de tuberculose, le jeune homme met à profit ses périodes de convalescence pour étudier l’architecture navale dans le peu d’ouvrages disponibles à l’époque. « Finalement, on a préféré construire des bateaux plutôt que partir, et on a travaillé un an chez Matonnat, à Arcachon, pour apprendre le métier : des canoës acajou sur membrures frêne et des dériveurs, des merveilles, des œuvres d’art ! ».
Après une année de formation, les deux frères débutent, près de Pau, la construction de canoës de descente de rivière. La victoire d’un canoë « Edel Frères » aux championnats de France assure un début de renommée. Puis les jumeaux remportent un concours de plans avec le Furet, dériveur de 4,50 mètres à arrière norvégien, difficile à construire. « Nous avons eu du succès, mais pas assez pour nous permettre d’en vivre. Moi, j’avais toujours envie de partir en Australie où le nautisme était plus développé qu’en France, et la question était : on continue ailleurs ou on arrête tout ? »
Recherche du terrain
Avant de se décider, les deux frères enfourchent leurs bicyclettes et parcourent la province française à la recherche d’un endroit où s’installer. Hors de question de retourner à Arcachon pour y concurrencer Matonat. « La Bretagne, déserte six mois de l’année, nous semblait l’enterrement de première classe, le Midi était peu accueillant et Paris était à l’époque plein de chantier. Un jour, on est tombé sur un article du Yacht qui parlait du plan d’eau du Réservoir, près de Lyon, qui ne s’appelait pas encore le Grand Large. Cet endroit où il n’y avait pas de chantiers, à proximité de Lyon, du Léman, des lacs du Bourget, d’Annecy et d’Aiguebelette, nous à semblé propice. On s’est établi à Décines, sur un terrain situé rue de la Vacherie – où il n’y avait effectivement que des vaches comme voisinage immédiat ! »
Adieu l’Australie, pendant deux ans et demi, Maurice et Pierre fabriquent des bateaux en bois, des canoës, des Furet, des dériveurs Dervin, exposant leurs productions dans des foires avec plus de succès de curiosité que de commandes.
Les précurseurs
Le destin déboule un beau jour en 4cv Renault et stoppe en dérapage contrôlé dans la cour du chantier. En sort un petit moustachu volubile, représentant d’une soirie lyonnaise produisant de nouveaux matériaux : du verre textile et de la résine. Les soyeux lyonnais, dont les produits ne sont plus compétitifs, ont commencé de se reconvertir vers des fibres nouvelles pour lesquelles ils cherchent des débouchés en les associant à de nouvelles résines en provenance d’Oyonnax. En un après-midi, sur les indications du visiteur, les frères Edel fabriquent une plaque de stratifié, la soumettent à des coup de marteaux et de ciseau à bois, étonnés de la résistance du matériau. Prestement, une forme de coque de 50 cm de long est façonnée, saturée d’encaustique et moulée. Le stratifié sec, on peut sauter à pieds joints dessus sans que rien ne bouge.
Je sentais depuis un certain temps qu’on était au bout de la construction bois, témoigne Maurice Edel. Ces nouvelles matières étaient-elles la solution ? Les Américains étant en avance sur nous, je suis allé à l’ambassade américaine feuilleter des revues. Là, j’ai découvert un reportage détaillant le moulage d’une péniche de débarquement en polyester dans une forme femelle… Ca ma ouvert des horizons et on a commencé à faire des canots et des prames sans autre connaissance que nos petits essais et une matinée passée à l’ambassade ! ».
Début difficiles pour fabriquer un malheureux youyou de 2,50m. Les démoulants collent, les rovings sont difficiles à débuller, les mats raides comme du carton ; les résines demandent des mélanges interminables avec accélérateurs, puis catalyseur, et coulent sur les surfaces verticales, obligeant une fois les tissus enduits, à remonter inlassablement cette mélasse des fonds du bateau vers les hauts, jusqu’à polymérisation. Au contact de l’air, la matière reste poisseuse en surface jusqu’à ce que Maurice Edel ait l’idée de recouvrir les parties exposées de feuilles de cellophane pour isoler la résine de l’atmosphère extérieure.
« Travailler le bois et se retrouver dans cette merde qui pue ! » s’exclame Maurice Edel. On en avait partout ! Et nous étions complètement inconscients : on fumait à côté des bidons de résine ! Quand on allait au bistrot après une séance de moulage, les clients s’inquiétaient : « Eh, patron, ça sent le gaz ici ! » Nous, on ne sentait rien tellement nos vêtements étaient imprégnés. » En un temps où le mouillage forain est la règle, les youyous « plastique » ouvrent un nouveau marché, mais le chantier continue à construire en bois, le polyester n’apportant pas suffisamment de quoi vivre. Construisant Vaurien et Moth, les deux frères commencent à embaucher et se diversifient, produisant même plusieurs milliers de paires de skis en bois pour les magasins La Hutte.
Naissance du Grand Large
Au tout début des années soixante, le premier vrai bateau est un petit quillard habitable d’un peu plus de 5 mètres dans l’esprit du Corsaire. Maurice Edel montre ses exquises à l’architecte Henri Dervin qui le conseille, l’encourage et lui communique le plan d’un sloop de 7,20 mètres ainsi qu’une formule mathématique pour en réduire les lignes. « Il fallait tout repenser pour le polyester. Le projet avait intrigué Dervin qui ne connaissait pas du tout ce matériau et son parrainage me tranquillisait sur l’avenir du bateau. En fait, je me suis inspiré de l’esthétique des voitures de l’époque : j’ai créé un véritable par-brise à l’avant et des grandes baies vitrées dont le principe a été vite repris par d’autres chantiers ! »
Coque de 5,75 mètres pour 2,08 mètre de large, le Calanque, finalement commercialisé sous le nom de Grand Large, du nom du plan d’eau proche du chantier, fourmille d’idées. La cabine est coiffée d’une casquette de forme complexe dissimulant des aérateurs et préfigurant le « hard top » des catamarans de croisière trente ans plus tard. A bord, deux couchettes (une troisième en option) voisinent avec réchaud à cardan, table à cartes sur glissière, rangements, penderie et même un évier alimenté par un réservoir placé en hauteur. Sortant très bien classé d’un comparatif – premier du genre – organisé à la Rochelle par l’Auto-Journal, le Grand Large donne une audience nationale au petit chantier de Décines. Complexe à construire, nécessitant cinq moules pour le seul rouf, le Grand Large fait des adeptes. Bateau en remorque, Maurice Edel roule des milliers de kilomètres pour montrer le bateau et régater. Il participe même à deux Cowes-Dinard, traversant la première fois avec juste un compas de route, une carte et une règle Cras dont personne à bord ne sait se servir. Mais l’ambiance des grandes compétitions ne lui convient guère : lui, préfère les régates dominicales entre copains.
« On a commencé comme ça, avec le Grand Large et une petite clientèle, tout en faisant des pièces industrielles et toujours un peu de bois. A l’usine, il y avait les « bouts de bois », les menuisiers, et les « touilleurs » qui travaillaient la résine. Qu’est-ce-qu’on passait comme heures à « touiller » ! On à fait des paniers de fraises en plastique, des WC turcs ! Pendant la guerre d’Indochine, on m’a même proposé de faire des cercueils en polyester, mais j’ai refusé ! » Laboratoire d’application à proximité de la pétrochimie du Rhône, le chantier accompagne une évolution technologique rapide lorsque apparaissent les gelcoats, les résines thixotropes qui ne coulent plus, puis les produits préaccélérés et paraffinés.
Edel II
Fort de sa première expérience, Maurice Edel dessine seul un second bateau corrigeant les points faibles du Grand Large. Plus facile à construire, plus confortable grâce – une innovation – à de nouvelles hiloires permettant de s’asseoir au vent, gardant le grand par-brise avant et logeant quatre personnes, le bateau est un dériveur lesté de 5,50 mètres. « On ne savait pas comment l’appeler quand un patron de restaurant chez qui on en parlait à dit : « Vous avez un nom de quatre lettre lettres qui se prononce dans toutes les langues, appelez-le tout simplement Edel! » C’est comme ça qu’est né l’Edel II. » Rival direct du Corsaire, mais moins exigeant en entretien, l’Edel II est le premier bateau de centaines de familles qui découvrent la voile et la société des loisirs. Lancé en été 1966, il sera commercialisé pendant seize ans et produit à plus de 2000 exemplaires.
Edel III
Le chantier Edel se hisse au niveau des plus grands et monte en taille avec l’Edel III, dont les plans sont demandés à Philippe Harlé pour que le bateau entre dans la jauge des 15 pieds du RORC. Pas très raide à la toile, doté d’une mâture lourde, relesté par Maurice Edel au grand émoi de l’architecte, le bateau est un demi-succès. Désormais, et pour près de vingt ans, Maurice Edel restera seul à sa table à dessin.
Edel IV
L’Edel 4, lancé en 1971, marque une date dans le petit transportable. Très large, avec des entrées d’eau fines, son volume intérieur est considérable pour une coque de seulement 5,90 mètres à la flottaison. Idée judicieuse, reprise sur les autres transportables de la marque, le rouf est constitué d’un pavillon relevable monté sur vérin à gaz qui offre la hauteur sous barrots au mouillage, tout en assurant une parfaite étanchéité en position basse. Ce « gros-petit » croiseur iconoclaste en matière d’aménagements avec carré-dînette, deux cabines et possibilité de cinq couchages, renouvelle l’approche de la croisière côtière.
Edel V
L’Edel 5, lancé en 1972, a quant à lui une étrange histoire. A l’issue d’un salon, l’importateur néerlandais de la marque fait la demande d’un petit dayboat, facile et large, adapté à ses eaux. Le constructeur fait la moue, n’ayant pas prévu de lancer de nouveau bateau de petite longueur. Le revendeur finissant par promettre un prise de 50 unités, Maurice Edel imagine une unité radicale : 2,45 mètre de large pour 5,40 mètres de long. « Ce bateau m’a obligé à réfléchir sur la façon d’aller vite pour fabriquer un bateau. On a donc imaginé stratifier la coque en la laissant dans son moule pour ensuite coller le lest par l’intérieur. Puis venait le contre-moule, les aménagements, le pont et on démoulait tout sous pression à la fin. Au premier bateau, on a envoyé de l’air comprimé à fond et rien ne s’est passé, dans la consternation générale. A un moment, je suis passé en dessous et j’ai dévissé la buse d’arrivée d’air. Alors, il y a eu un grand bruit et le bateau à littéralement sauté hors du moule. Ça y était, on avait la technique du démoulage : Les premiers Edel V sont sortis à 11 000 francs et on à inondé le marché. Avec cinq moules en batterie, on produisait cinq bateaux et demi par semaine et 30% d’entre eux partaient à l’étranger ! ».
Au plus fort de la production, 110 employés font tourner une entreprise que sa situation géographique a entraîné vers une spécialisation dans le petit transportable. Il y a de belles années, mais la tâche est ardue, entre les difficultés de gestion, les exigences administratives croissantes et les inévitables conflits sociaux. Comme les autres chantiers, Edel subit les coups d’arrêt des chocs pétroliers, périodes d’inquiétude économique qui différent les commandes. Maurice veille à l’essentiel, désespérant de trouver un gestionnaire de confiance qui lui permettrait d’avoir l’esprit libre pour imaginer des nouveaux produits pendant que son frère Pierre, plus proche de la production, vaque dans les ateliers où il peut prendre la place de n’importe quel ouvrier pour lui montrer le travail à accomplir. En fin de journée, après l’école, on peu voir les deux fils de Maurice, Marc et Luc, faire leurs devoirs sur la table de coupe des tissus. « L’odeur du styrène est ma madeleine de Proust ! confie aujourd’hui Marc Edel. Et j’adore les salons nautiques rien que pour le parfum des coques neuves… »
Edel VI
L’un des plus beaux bateaux du chantier, L’Edel VI marque des heures douce-amères. En janvier 1976, le lendemain même du jour où la nouvelle unité est couronnée « Bateau de l’année » sous les voûtes du Salon nautique, l’usine de Meyzieu est ravagée par les flammes. Catastrophe : malgré des carnets de commandes pleins comme jamais, il faut, la mort dans l’âme, restituer les chèques aux clients, rater une saison prospère et parer au plus pressé. La production s’organise de manière bancale dans trois lieux différents, les transports font chuter une rentabilité calculée au plus juste. En neuf ans, l’Edel VI sera néanmoins produit à des centaines d’exemplaires. Bientôt, l’Edel 600 complète la gamme vers le bas, même si les volumes de ventes n’ont plus rien à voir avec ceux des années 60.
Rapprochement fantôme
Deuxième avatar : à la fin des années 70, un repreneur fait miroiter un rapprochement entre Edel et le chantier Aloa. Dans cette perspective, on maintient à bout de bras un chantier en surcapacité par rapport à sa production, jusqu’à ce jour de juillet 1980 où le dépôt de bilan est inévitable. S’ensuivent trois années de règlements judiciaires où, après un licenciement massif, le chantier tourne avec une quinzaine de personnes sous l’onéreuse tutelle d’un syndic. En pleine bataille Jeanneau-Bénéteau, qui rivalisent de nouveautés et investissent dans les études, Edel a du mal à se défendre. Les tailles augmentent sans cesse et l’intérêt s’émousse pour le petit habitable. Sans investir beaucoup, et sur la base de l’Edel IV, est créé en 1980 l’Edel 730, évolution modernisée du précédents puis, l’Edel 820, petit croiseur confortable avec cabine arrière, barre à roue, cabinet de toilette séparé – mais ces deux nouveautés ne parviennent pas à tirer le chantier à elles seules.
Ere Catamarans
Parallèlement, Maurice Edel dessine l’Edel Cat 15, petit catamaran de sport sans dérives dont les safrans, larges et courts, ne dépassent pas le tirant d’eau de la coque. Bien conçu, peu cher, présentant peu de risques de casse, il est le premier cata de nombreuses écoles de voile. « Un essai de Daniel Nottet dans Voiles et Voiliers nous à fait décoller », se souvient Marc Edel. Sorti à Port-Camargue par vent fort, il a éclaté le bateau, mais s’est éclaté lui aussi, et a écrit un papier enthousiaste. Du coup on a été débordé de commandes. On n’arrivait plus à fournir. L’été de sa sortie, on a dû embaucher et faire les trois-huit pour en fabriquer jusqu’à 200 en trois mois ! » Vite rattrapé par la concurrence, le chantier ne garde pas longtemps sa prééminence dans ce domaine et l’Edel Cat 18, lancé cinq ans plus tard, ne rencontre pas le succès escompté.
Edel Strat, dirigée par Marc Edel
Les bons résultats sur quelques modèles ne suffisent pas à résoudre les difficultés et un nouveau départ est pris au printemps 1983 : les Constructions Nautiques Edel SA sont liquidées et une nouvelle société, Edel Strat, dirigée par Marc Edel, reprend et diversifie les activités. Grâce à Christian Leroy, chef de publicité du magazine Neptune-Yachting, Maurice Edel rencontre l’architecte Sylvestre Langevin, créateur du catamaran Elf-Aquitaine alors au sommet de sa gloire. Langevin dessine un catamaran de camping côtier, l’Edel Cat 26. Présenté en 1984, le succès est immédiat pour une unité rustique, mais sans concurrence. La production se resserre autour du 730, des Edel Cat 15 et 26 et des marchés industriels très divers : cabines de toilette pour autocars, fontaine (dorée !) pour le roi Fahd d’Arabie Saoudite, décors pour l’opéra de Lyon.
Langevin-Edel
Une nouvelle collaboration. Langevin-Edel permet de lancer l’Edel Cat 33 en 1985. Ce premier « grand » cata présente des caractéristiques qui tirent les prix vers le bas : barre franche, propulsion par hors-bord unique, structures en liaisons tubulaires démontables, coques indépendantes de la nacelle. un « style Edel » s’affirme avec des passavants de part et d’autre du rouf central. « On pouvait construire tous les éléments en même temps, explique Marc Edel. Les bateaux étaient assemblés une fois au chantier, puis tout était expédié en pièces détachées. Nos bateaux étaient surnommés « Edel Kit » par ceux qui devaient les remonter, une fois à destination. »
En avance sur le marché, l’Edel Cat 33 séduit les flottes de l’occasion. A son bord, l’un des frères de Maurice, Bernard, réalise une double traversée de l’Atlantique dont l’une en solitaire. Nullement gêné par l’approximatif Blue II de Bénéteau, le 33 l’est davantage par le confortable Maldives de Fountaine-Pajot. En 1987, Pierre Edel décède d’une longue maladie et Maurice Edel travaille désormais seul, de la planche à dessin à la réalisation des formes. Il dessine alors l’Edel Cat 35, bateau « embourgeoisé » mais retenant techniques simples : liaisons tubulaires et rouf nacelle sans communication avec les cabines situées dans les coques. Porté par la vague de la défiscalisation, bien placé en prix, le bateau est construit à une centaine d’exemplaires. Le dernier catamaran, l’Edel Cat 42, sera l’unité de trop. Elu « Bateau de l’année 1991 », construit sous la pression du marché avec un outillage coûteux dans une usine neuve qui alourdi les charges, il arrive dans un marché très concurrentiel. Eu égard à sa taille et sa finition, sa différence de prix ne joue plus face aux investisseurs. La faillite d’un loueur divise les prévisions de construction par deux, escroquerie d’un acheteur allemand de plusieurs unités précipite la fin de l’entreprise. Parallèlement, le lancement d’un nouveau petit transportable, l’Edel Fish 20, alors que le chantier, tourné vers les grands catas, n’a plus de réseau de revendeurs, ne donne pas les résultats attendus. Les activités du chantier cessent définitivement en janvier 1995
Vue sur une histoire
Maurice Edel conserve toujours dans ses cartons le projet d’un monocoque d’une quarantaine de pieds, sorte de fifty destiné au grand voyage pour un public de jeunes retraités. La fin du chantier n’aura permis sa réalisation. Régulièrement en avance sur son époque, Maurice Edel fit toujours des bateaux qui lui ressemblaient, pour des clients comme lui, d’avantage amateurs de balades que de régates à couteaux tirés. Passant ses rares loisirs et vacances sur ses propres bateaux, il défendit les valeurs d’une voile familiale, simple et sans esbroufe, imaginant des voiliers dont l’esthétique établit, avant l’ère des « yachts-designers », les critères d’un classicisme moderne. D’une nature portée à se souvenir des bons moments plus que des heures sombres, architecte-constructeur chaleureux, il n’a aujourd’hui qu’à ouvrir toute grande la porte de son jardin pour contempler en toute saison son cher plan d’eau du Grand Large. Avec 10 000 bateaux construits, Maurice Edel laisse le sillage d’un créateur de talent – et un parfait honnête homme.
Filiale canadienne
Si on en croit les informations présentes sur cette page, les Edel nord-américains auraient été produits par une filiale canadienne de la société Edel entre 1978 et 1982. Quelques temps après, les moules ont été rachetés par la société Stanley Hatch Industries, probablement située à Brampton dans l’Ontario (Canada). Selon l’auteur, la qualité des bateaux produits alors par Stanley Hatch Industries n’étaient pas aux standards de qualité de ceux de la filiale canadienne. Encore un peu plus tard, des négociations auraient été menées mais avortées, par une entreprise en Caroline du Nord (Etats unis) pour le rachat des moules. Les moules semblent avoir été détruits suite à cet épisode.
Il semblerait que le modèle le plus répandu en Amérique du nord soit le 665.
Le même site (Edel un-official owners association, mis à jour en 2002) présente quelques photos d’Edel américains de ses membres.
Informations à prendre au conditionnel, il s’agit de messages postés sur des forums sans trop de sources.